POINT DE VUE, publié dans le journal Trouw le 14 Avril 2016 - "Les producteurs d’agrumes bios en Afrique du Sud ont été désignés comme boucs-émissaires suite à une tentative de se débarrasser des restrictions sur les importations européennes imposées à l’Afrique du Sud. Pendant trois années consécutives, l’UE a utilisé la maladie fongique des tâches noires sur les agrumes comme raison pour restreindre les importations d’Afrique du Sud. Des mesures ont été prises pour des raisons soi-disant phytosanitaires, mais il est évident que l’UE cherche en réalité à protéger les producteurs espagnols de leur plus gros concurrent. Les sud-africains veulent à présent sacrifier leurs agriculteurs biologiques, dans une tentative désespérée pour reprendre le contrôle de ce problème, malgré le fait qu’il n’existe aucune justification pour accuser ces derniers. La forme de culture la plus durable est donc victime du protectionnisme de l’UE.
Les tâches noires sont un champignon inoffensif pour les humains et qui cause des petits points noirs sur la peau des citrons et des autres agrumes. Un panel de scientifiques internationales a conclut, en 2013, que ce champignon ne se développe pas dans les zones avec un climat méditerranéen, et ne constitue donc en rien une menace pour les producteurs d’agrumes européens. Néanmoins, l’UE continue à appliquer des mesures restrictives aux exportateurs sud-africains.
L’absurdité du cas réside dans le fait qu’il y a eu bien plus de constats de tâches noires sur les importations d’agrumes venant d’Amérique du Sud. En 2015, on a compté 87 cas sur les cargaisons d’agrumes d’Argentine et d’Uruguay, contre seulement 15 cas pour l’Afrique du Sud. Cependant, seuls les producteurs sud-africains ont été confrontés à des restrictions sur leurs exportations, depuis trois ans maintenant, toujours aux environs du démarrage de la saison européenne des agrumes. Les coûts liés à la gestion du risque, au contrôle et aux pertes de marché a atteint des montants ridicules durant ces années, aux dépens des producteurs.
Afin d’essayer de reprendre le contrôle de la situation, l’association des producteurs d’agrumes sud-africains (CGA), qui comprend à la fois des agriculteurs biologiques et conventionnels, souhaitent à présent sacrifier leur petit groupe de producteurs bios pour une la bonne cause. Dans une lettre, datée du 7 avril, la CGA a annoncé que les producteurs biologiques, « après étude et réflexion », ont « volontairement » décidé de suspendre leurs exportations de citrons vers l’Europe en 2016, pour minimiser les chances que tout le secteur soit touché.
Cette mesure est bizarre. En 2014, il y a eu 28 cas répertoriés sur les agrumes sud-africains, dont 28 en conventionnel et 0 en bio. Les années précédentes, aucun cas n’a été constaté sur les fruits biologiques. Uniquement en 2015, sur un total de 15 cas, 5 étaient sur du bio. Si l’on regarde les vergers, il y a encore moins de raisons d’accuser le bio, car les arbres en bio ont une meilleure résistance naturelle à la maladie, alors même qu’ils ne sont pas couverts de pesticides puissants utilisés dans la culture conventionnelle et auxquels les consommateurs européens sont de plus en plus sensibilisés.
Les producteurs sud-africains ont subi une forte pression du DAFF, le ministère sud-africain de l’agriculture, des forêts et de la pêche. Le DAFF les a informés de la demande de l’Europe : pour un cas identifié, la station d’emballage concernée perdra sa licence d’exportation pour trois ans. Donc, sur le plan pratique, le choix « volontaire » est en fait une décision prise le couteau sous la gorge, juste pour épargner les producteurs conventionnels d’agrumes.
Il apparait que la culture biologique a été désignée intentionnellement comme bouc-émissaire à l’approche d’une réunion avec l’UE. Le 15 avril, le DAFF et la CGA se réunissent avec les représentants de l’UE à Bruxelles, pour discuter de la situation des tâches noires. Si l’UE ne cède pas, le DAFF et la CGA menacent d’aller devant l’OMC et de poursuivre l’UE pour protectionnisme. Dans tous les cas, les producteurs biologiques perdront leurs exportations 2016. C’est un terrible coup dur qui s’ajoute aux millions de coûts supplémentaires déjà perdus. Ce qui devrait être fait : l’UE doit reconnaître que l’apparition de tâches noires sur les citrons ne constitue en rien une menace pour les producteurs européens, comme les scientifiques l’affirment. Sinon les producteurs les plus durables d’Afrique du Sud souffriront de façon injuste.
Volkert Engelsman
Volkert Engelsman est le directeur fondateur d’Eosta, entreprise leader du marché européen en fruits et légumes biologiques frais, situé aux Pays-Bas. Il rend visite aux producteurs d’agrumes en Afrique du Sud chaque année depuis 1990.
Référence scientifique concernant les risques liés aux tâches noires :
http://www.citrusres.com/sites/default/files/documents/CBS%20Expert%20Pa...
Donnée Europhyt sur les cas de tâches noires sur les importations d’agrumes :
http://ec.europa.eu/food/plant/plant_health_biosecurity/europhyt/interce...